En entretien avec l’EMC Luxury Brands Club
Quel est votre créneau de création ?
La création de chaussures de luxe pour femmes.
D’origine coréenne, élevé en France, vous vous consacrez à la création, après avoir étudié le marketing. Comment expliquez vous ce parcours atypique ?
Effectivement j’ai suivi un parcours plutôt biaisé.
Dévié du milieu artistique par certains membres de ma famille travaillant dans cet univers, j’ai fait du marketing pour finalement retourner à ce milieu à la fois intellectuel et manuel que j’affectionne depuis mon plus jeune âge.
Parmi toutes les catégories de produits de luxe, pourquoi avez-vous choisi la chaussure?
Ce que j’apprécie dans la création de chaussures, c’est la difficulté du métier. Créer une chaussure c’est choisir une forme, un cuir, un talon ainsi que son hauteur, tout en gardant un produit confortable et esthétique.
Pourquoi consacrez-vous vos créations uniquement à la femme ?
Par mes créations, j’exprime une certaine sensibilité portée à l’égard de la femme et sa sensualité. La chaussure est pour moi un instrument me donnant l’opportunité de souligner cette qualité féminine essentielle, accentuée par des modèles fluides aux talons vertigineux mêlant Glamour et Hard Rock Couture.
Qu’entendez-vous par « Hard Rock Couture » ?
Il s’agit là d’une touche, d’une griffe personnelle combinant Hard Rock et Haute Couture sans affecter l’esprit féminin de mes créations.
Faisant partie du monde du luxe, quel œil y portez-vous ?
Tout est question de finition, de qualité des matières et de choix des matériaux à un niveau proche de la perfection et de l’excellence.
Vous parlez de choix des matériaux. Quels sont ceux que vous utilisez pour refléter cet aspect luxe de vos créations ?
Je donne une importance particulière quant au choix de mes matériaux ainsi que des fournisseurs venant pour la plupart du temps de France et d’Italie. Je travaille uniquement avec des peaux et des cuirs précieux comme le cuir d’autruche ou encore de crocodile pour en citer que quelques uns, que je sélectionne moi-même.
Pouvez-vous nous parler de la création de vos modèles ?
De tous les accessoires, la chaussure est celui qui présente le plus de contraintes techniques. Une chaussure ne suffit pas d’être exclusivement élégante ou esthétique. Ce qui est primordial c’est aussi qu’elle soit confortable et qu’elle ne fasse pas mal aux pieds.
En plus de cela il faut travailler la forme de la chaussure. Le volume ainsi que l’architecture sont des minima à respecter et doivent correspondre à la morphologie et à la largeur du pied. Mais cela est partie intégrante de mon challenge. Si un modèle est bien pensé, il y a une forte chance pour un créateur de gagner rapidement beaucoup d’argent.
Où peut on trouver vos créations?
Mes chaussures sont essentiellement distribuées par le biais de points de vente multimarques et ce au Moyen-Orient, en Russie, en Italie, aux Etats-Unis et en Europe Occidentale. À Paris, c’est l’Eclaireur qui a l’exclusivité de mes créations en matière de distribution. En ce qui concerne la sélection des distributeurs et des points de vente, on répond à des propositions de commercialisation de nos créations mais on émet aussi des demandes auprès de certains distributeurs.
Quelle est votre source d’inspiration ?
Je m’inspire particulièrement des années 30 et des années 80. L’un reflète le glamour, la beauté et l’esthétique, et l’autre traduit ce côté Hard Rock et rebelle.
Quel est le fonctionnement et la constitution de votre société ?
Mes bureaux administratifs se situent à Paris et les usines de fabrication sont en Italie.
Mon rôle c’est surtout la recherche et la création. Concernant la direction générale des affaires, j’ai la chance d’avoir mon ami comme associé, Federico DENTI, Directeur général de l’agence de mannequins, « Women Management » située : 7, boulevard de la Madeleine, Paris 1er. Mon attachée de presse gère la communication de la marque et des modèles. Mr Denti est également responsable du marketing, même si je n’y porte pas beaucoup d’importance pour le moment. Ceci non sans raison, à mon avis le marketing nuit à la création ainsi qu’à la qualité des produits, surtout dans le luxe. C’est pourquoi nous ne lui affectons pas un grand budget. D’un autre côté, nous sommes conscient qu’il est devenu impossible de travailler et de survivre sans marketing, particulièrement étant jeune créateur.
Au niveau de la budgétisation, quel poste nécessite le plus l’investissement ?
En ce qui me concerne, c’est la fabrication qui est la plus coûteuse. Certes c’est une réalité mais dans mon cas c’est surtout un choix. Mes chaussures sont faites à la façon d’autrefois, avec des matériaux de qualité et un savoir-faire d’antan, ce qui se traduit par une fabrication onéreuse. Mes modèles sont dits « de luxe » car ils sont vendus à leur juste valeur reflétant cette qualité irréprochable.
Comment se fait la communication de Raphaël Young ?
C’est principalement par le biais de salons et de show-room que la commercialisation s’effectue. Ces show-room me permettent sur des périodes de 2 à 3 semaines environ, de prendre des commandes.
Quel est l’avenir de la « Raphaël Young Company »? Quelles sont vos perspectives de développement ?
Particulièrement présents en Europe Occidentale et aux Etats-Unis, nous souhaitons nous développer en Russie, une région du monde en plein développement surtout au niveau du marché des marques de luxe, ainsi qu’en Asie où nous avons encore beaucoup à faire. L’émergence de nouveaux riches constitue dans cette région, un fait suffisamment marquant pour s’y intéresser de plus près. Il sera donc essentiel de satisfaire cette clientèle russe en lui proposant mes créations. Je pense aussi qu’il s’agit d’un marché plus que prometteur. La Russie devrait bientôt dépasser les Etats-Unis pour devenir le numéro un mondial en matière de consommation de produits de luxe.
Une autre perspective et région potentielle envisageable: les pays de l’Est et du Moyen-Orient avec notamment les Princesses Arabes.
Ne souhaiteriez-vous pas développer votre gamme de produits ?
Une ligne de chaussure pour hommes est en gestation. Les modèles de cette collection auront comme point commun «la force » traduite principalement par les constructions et les semelles. Elle sortira dans un an, dans un premier temps à Paris (fin 2008). Je pense que si une marque se vend bien à Paris, elle est prête à parcourir le monde. Pour moi c’est l’ultime test de réussite. Une marque qui « perce » à Paris, aura de fortes chances de se faire également un nom à l’étranger. L’exigence des acheteurs à Paris est extrême. Ceci est sûrement dû à la culture de notre capitale pour la mode et le luxe.
Mais je travaille également sur la création de sacs à main. Dans un avenir plus lointain, pourquoi pas étendre ma gamme et créer des lunettes ou des fauteuils…Mais tout ceci toujours en cuir, la matière noble qui me fait vibrer et qui m’inspire… Je pense que j’aurais toujours à cœur de réaliser des modèles à la façon d’autrefois tout en restant moderne et en travaillant le cuir.